Le 28 novembre 1881 naît Stefan Zweig , à Vienne alors dans empire Austro-Hongrois. Il arrive dans une famille juive non pratiquante et aisée. Il deviendra écrivain, poète, dramaturge, traducteur et biographe.
Il va rencontrer les plus grands esprits de son temps. Il considérera l’Europe comme un immense champ de possibles. Ses nombreux voyages, forcés ou volontaires, l’entraîneront sur tous les continents.
Mais il y aura les guerres, la grande misère qu’elles peuvent entraîner et la montée du nationalisme.
Stefan Zweig est l’un des auteurs les plus lus au monde. Auteur de théâtres, nouvelles, essais, biographies, il entretenait une importante correspondance. Il a écrit un roman : Impatience du cœur (1939). Il a commencé sur le tard d’autres romans, qu’il ne terminera pas.
Livres audio disponibles sur ce site
Erasme – Grandeur et décadence d’une idée
Sigmund Freud – La Guérison par l’esprit
- Famille et jeunesse de Stefan Zweig
- Sa scolarité
- Ses premières publications
- Vienne, ville de culture
- Ses collections
- Les guerres
- Les personnalités qui l’ont marqué
- L’Europe
- Voyages
- Biographies
- Le dernier voyage
- Conclusion
Famille et jeunesse de Stefan Zweig
Moritz Zweig, son père, a fondé une fabrique de textile. C’est son frère aîné, Alfred, qui prendra la relève de son père dans la fabrique. Moritz Zweig est une personne prudente, il parle plusieurs langues étrangères, joue du piano.
Ida Brettauer, sa mère, est la fille d’un banquier. Elle est née à Ancône en Italie. Elle est plus frivole que son père : elle aime sortir, s’amuser, mais est assez peu présente pour ses enfants. Elle parle l’italien et donne à Stefan le goût du voyage.
Cela marque une grande différence de personnalité entre les deux parents.
Sa scolarité
L’empire est pour lors gouverné par un vieil empereur François-Joseph, qui ne favorise pas la jeunesse, car il n’aime pas ce qui est nouveau.
La scolarité à cette époque est particulièrement rigoriste.
Les cours durent de 5 à 6 heures par jour, puis il faut faire les devoirs. Stefan apprend les langues étrangères : français, anglais, italien, plus le latin et le grec.
L’étude ne laisse pas aux élèves de temps pour les exercices physiques, les divertissements. Cet apprentissage va durer cinq ans en primaire et huit ans au lycée.
Voici ce qu’écrit Stefan Zweig dans Le Monde d’hier, Souvenirs d’un Européen :
« Car, pour être franc, toute ma scolarité ne fut pour moi qu’ennui et dégoût, accrus d’année en année par l’impatience d’échapper à ce bagne. »
« Nous étions assis par deux comme des galériens sur des bancs de bois assez bas qui nous courbaient la colonne vertébrale, et nous y demeurions jusqu’à en avoir des douleurs dans les os ; en hiver, la lumière bleuâtre des becs de gaz à flamme nue vacillait par-dessus nos livres ; en été, au contraire, les fenêtres étaient soigneusement masquées par des stores pour éviter que le regard rêveur ne prît plaisir à contempler le petit rectangle de ciel bleu. Ce siècle n’avait pas encore découvert que les jeunes corps dont la croissance n’est pas achevée ont besoin d’air et de mouvement. »
Il obtient son baccalauréat en 1900 et entre à l’université de Vienne pour y étudier la philosophie et l’histoire. Il termine son doctorat en 1904. Son choix, quant à son avenir, est fait : ce sera l’écriture. De plus, déjà il a l’âme vagabonde.
Ses premières publications
A l’âge de 19 ans, Stefan Zweig publie ses poésies et ses premières nouvelles.
Il envoie un manuscrit à une maison d’édition allemande Schuster & Löffler, de l’ouvrage de poésie intitulé Silberne Saiten (Cordes d’argent en 1901). Puis Les Couronnes précoces en 1906.
Ses nouvelles paraissent dans un journal allemand, le Berliner Illustrierte Zeitung, ainsi qu’en feuilleton dans le Neue Freie Presse, un quotidien austro-hongrois.
C’est en 1920 qu’il obtient son premier succès avec Amok, puis Lettre à une inconnue en 1922.
Vienne, ville de culture
Vienne est une ville multiculturelle. Encore adolescent, Stefan Zweig avec ses amis lit les journaux du monde entier dans les cafés. Dans toutes les couches de la population on retrouve le goût des arts et du théâtre.
« Car chaque sou de notre argent de poche, nous le dépensions en billets de théâtre ou de concert, ou encore en livres, et nous étions d’autre part peu soucieux de plaire aux jeunes filles : nous aspirions à en imposer à de plus hautes instances. »
Stefan Zweig fait partie du mouvement Jung Vien (Jeune Vienne). Il côtoie les membres de ce mouvement, comme Hermann Bahr, Arthur Schnitzler et Felix Salten.
Dans Le Monde d’hier, il écrit :
« Il n’y avait guère de ville en Europe où l’aspiration à la culture fût plus passionnée qu’à Vienne. »
Les cafés de Vienne :
« … on doit savoir que les cafés, à Vienne, constituent une institution d’un genre particulier, qui ne peut se comparer à aucune autre au monde. Ce sont en quelque sorte des clubs démocratiques accessibles à tous pour le prix modique d’une tasse de café et où chaque hôte, en échange de cette petite obole, peut rester assis pendant des heures, discuter, écrire, jouer aux cartes, recevoir sa correspondance et surtout consommer un nombre illimité de journaux et de revues. »
Goûts pour la littérature :
« Si je me demande aujourd’hui quand nous trouvions le temps de lire tous ces livres, alors que nos journées étaient déjà si remplies par nos heures de classe et nos leçons particulières, je me rends parfaitement compte que cela se faisait au détriment de notre sommeil et donc de notre fraîcheur corporelle. »
Il trouve malgré tout Vienne sclérosé. A Vienne, comme ailleurs, il faut avoir l’air vieux pour être respectable : se laisser pousser la barbe, avoir de l’embonpoint, les femmes sont torturées pas des corsets. La fantaisie n’est pas permise, les mœurs sont stricts, le sexe est tabou. Il écrit sur les hommes de l’époque :
« Ils marchaient à pas lents et mesurés et, en conversant, caressaient leur barbe, très soignée et souvent déjà grisonnante. Or les cheveux gris étaient un nouveau signe de dignité, et un homme « posé » évitait avec soin, comme inconvenant, les gestes et la pétulance de la jeunesse. »
Le mouvement littéraire de Vienne ne lui suffit pas. N’oublions pas que Stefan Zweig est un voyageur. Il ne reste pas à Vienne et poursuit sa formation artistique en 1902 à Berlin, puis Paris, Bruxelles, Londres, dans les cercles avant-gardistes de l’après-guerre. Il étudie l’œuvre de Fédor Dostoïevski, admire le peintre Edvard Munch, rencontre Jules Romains et le poète Emile Verhaeren.
Ses collections
Dès l’âge de 15 ans, Stefan Zweig partage la passion de la collection avec ses camarades de lycée : collections d’autographes, d’artistes, chanteurs qu’ils ont vu sur la scène viennoise. Il imite même pour s’amuser les signatures des célébrités.
Plus tard, ce goût prononcé pour la collection continue. Afin de faire ses acquisitions, il assiste à des ventes publiques, se rend chez les antiquaires, dans les cabinets d’autographes. Il vend, achète, échange : des ébauches, des brouillons, des esquisses, des premiers jets.
Il garde dans une vieille malle sa collection des autographes et manuscrits des plus grands musiciens, écrivains et poètes. Il aime à collectionner les pages manuscrites des auteurs, car cela lui donne la mesure du processus de création de chaque artiste :
– Des poèmes d’Arthur Rimbaud.
– Une épreuve d’imprimerie d’un roman de Balzac dont chaque page contient des ratures, annotations de l’auteur.
– Une première rédaction de La Naissance de la tragédie de Friedrich Nietzsche .
– Une page de traduction en latin de Goethe , alors qu’il n’avait que neuf ans. Du même auteur, un manuscrit d’histoire naturelle, des poèmes, des dessins.
– Un catalogue des œuvres de Mozart écrites par lui.
– Un journal de jeunesse de Beethoven .
« Il va de soi que je ne me suis jamais considéré comme le propriétaire de ces choses, mais seulement comme leur conservateur dans le temps. »
Après la première guerre mondiale, il s’installe dans sa maison de Salzbourg. Il y reçoit James Joyce, Arthur Schnitzler, Romain Rolland, Paul Valéry, Maurice Ravel, Béla Bartok et bien d’autres. Ils peuvent admirer sa collection exposée comme dans un musée.
Mais après la perquisition en février 1934, par la police de Salzbourg, il commence son exil : Londres, Bath, New York, Rio, Petrópolis. Il met en dépôt chez des amis et en banque ses collections. Il en emporte peu.
De plus, ses revenus baissent, car ses livres sont interdits en Allemagne. Il est donc contraint de vendre ses manuscrits et une grande partie de sa collection.
Sa collection est donnée en partie à la Bibliothèque Nationale de Vienne.
Les guerres
Dans Le Monde d’hier, Stefan Zweig commence par l’évocation de la sécurité durant la période antérieure à la première mondiale :
« Si je cherche une formule commode qui résume l’époque antérieure à la Première Guerre mondiale, dans laquelle j’ai été élevé, j’espère avoir trouvé la plus expressive en disant : « C’était l’âge d’or de la sécurité. » Tout, dans notre monarchie autrichienne, presque millénaire, semblait fondé sur la durée, et l’État lui-même paraissait le suprême garant de cette pérennité ».
La Première Guerre mondiale
Un mois après l’assassinat de François-Ferdinand, le neveu de François-Joseph 1er et de son épouse en Bosnie le 28 juin 1914, François-Joseph 1er et le gouvernement austro-hongrois déclarent la guerre à la Serbie.
Stefan Zweig est alors en Belgique, à Ostende. Il retient une place dans un express pour l’Allemagne, afin de retourner en Autriche et arrive en pleine mobilisation générale.
Les sanctions en Autriche contre les objecteurs de conscience sont très lourdes. Stefan Zweig, qui ne se sent pas « l’âme d’un martyr », à l’instar d’Erasme de Rotterdam, « son maître vénéré », s’engage en 1914 aux Archives Militaires.
Stefan Zweig s’installe en banlieue afin de s’isoler et de « commencer la lutte contre la trahison de la raison au profit de l’actuelle passion des masses ». A cette période, il est rejeté par ses amis qui prennent le parti de la guerre. Les appels au dépôt des armes sont encore mal reçus. Stefan Zweig s’éloigne donc de ses amis. Mais reste en contact avec le poète Rainer Maria Rilke , qui finit par partir pour l’étranger.
Romain Rolland lui aussi livre un combat contre la haine spirituelle entre les nations, avec l’article « Au dessus de la mêlée ».
Ce qui lui vaut un boycotte de ses amis à lui aussi.
Stefan Zweig se dispute avec Emile Verhaeren, qui publie des poèmes engagés contre les allemands, alors que Stefan Zweig est plutôt pour l’Allemagne. Il change vite de sentiment après réflexion. Comme Erasme, il ne veut pas s’engager et désire rester dans cette même mouvance : pacifiste, humaniste. Il se voit comme un intellectuel qui peut être au-dessus, qui n’a pas à s’engager sur les querelles du moment.
En 1915, il est chargé de réunir les proclamations et affiches de l’occupation Russe en Autriche occupée. Il voyage en Pologne pour cette mission.
Il est alors confronté aux horreurs de la guerre. Il voyage dans des wagons à bestiaux, entassé avec d’autres voyageurs harassés. Ou bien dans des trains hôpitaux, qui n’ont rien à voir avec les trains sanitaires qui avaient été photographiés au début de la guerre.
« Ce que je pus voir en frissonnant, c’était des wagons de marchandises ordinaires, sans véritables fenêtres, pourvus seulement d’une étroite fente d’aération, et éclairés par des lampes à huile fuligineuses. Des civières rudimentaires s’alignaient l’une à côté de l’autre, et toutes étaient occupées par des êtres gémissants, suants, d’une pâleur mortelle, qui râlaient à la recherche d’un peu d’air dans l’odeur insupportable d’excréments et d’iodoforme. »
En 1917, après plus de deux ans de guerre, il publie sa tragédie Jérémie. C’est un succès malgré son thème, sur la résilience du peuple juif et la défaite, et alors que l’on est en pleine guerre. La pièce de théâtre aborde la destruction proche de Jérusalem, autour de la vie du prophète Jérémie. Mais en cette année, dans la population, il y a eu une prise de conscience concernant la guerre et la tragédie qu’elle engendre.
Il se rend en Suisse pour la représentation de la pièce à Genève. Il y retrouve Romain Rolland. A Zürick il organise avec Pierre Jean Jouve une lecture : Pierre Jean Jouve lit ses poèmes en français et Stefan Zweig des extraits de Jérémie en allemand, alors que les deux pays sont ennemis.
Le 11 novembre 1918 c’est enfin l’armistice. Le traité de Versailles est signé le 28 juin 1919. L’Autriche-Hongrie disparaît et une partie du sol est cédé à l’Italie. Stefan Zweig retourne alors en Autriche. Il retrouve un pays où beaucoup de maisons sont tombées en ruine. Il est confronté dans les rues à la famine et la misère.
C’est dans les petites villes retirées qu’il préfère s’installer pour travailler. En 1919, son choix se porte sur sa maison à Salzbourg. Cette maison est un pavillon de chasse du XVIIème siècle, « aussi romantique que malcommode ».
Il repart en voyage, tout d’abord en Italie. A Venise, il assiste à une manifestation d’un groupe de jeunes marchant au pas cadencé et chantant l’hymne du parti national fasciste italien, Giovinezza. Il prend conscience qu’un combat se prépare « là et partout ».
En 1920, Stefan Zweig se marie avec Friderike Maria Burger qui a deux filles. Elle l’écoute, le comprend et l’accepte. Elle partage avec lui ses voyages, elle l’accompagne.
La montée du nazisme
Avant 1932, Stefan Zweig assiste à des défilés de plus en plus nombreux de « jeunes gens en bottes à revers et chemises brunes, chacun portant sur la manche un brassard à croix gammée de couleur criarde ».
Le mécontentement de la population dû aux crises politiques, au chômage, à l’inflation est général.
Stefan Zweig se rend compte « qu’il y avait derrière ces bandes surgies brusquement des puissances financières et d’autres forces influentes ».
« L’industrie lourde se sentait délivrée par Hitler de la crainte des bolchevistes, elle voyait au pouvoir l’homme qu’elle finançait en secret depuis des années.»
1933, Adolf Hitler prend le pouvoir. Il obtient la dissolution du Reichstag. Puis l’incendie du Reichstag est exploité par les nazis, les évènements s’enchaînent. Les premiers fugitifs fuient quand il le peuvent l’inhumanité. Mais il est encore difficile de soupçonner ce qui va advenir.
En octobre, Stefan Zweig quitte Salzbourg pour un séjour à Londres. Il pense que ne pas entrer en conflit va apaiser le déchaînement.
Même s’il est juif non pratiquant, un autodafé de ses livres est organisé le 10 mai 1933. Alors ses livres sont brûlés et leur auteur est utilisé par la propagande allemande : On se sert de sa photographie pour montrer ce qu’est un sémite. Stefan Zweig ne s’exprime pas, alors que ses amis le poussent à le faire.
En janvier 1934, il est de retour à Salzbourg. Il écrit au sujet de sa maison où il a accueilli ses amis :
« Avec qui n’avons-nous pas passé là des heures cordiales, contemplant de la terrasse le beau et paisible paysage, sans nous douter que juste en face, sur la montagne de Berchtesgaden, se tenait l’homme qui allait détruire tout cela ? ».
En février sa maison est perquisitionnée sous prétexte qu’il y cacherait des armes. Il se sent alors aigri. Deux jours après, il repart pour Londres, où il loue un appartement, avec le désir de se remettre au travail. Il reste en Angleterre jusqu’en 1940.
Pendant cette période, il fait quelques escapades à travers les Etats-Unis, l’Amérique du Sud et donne des conférences. Il écrit : « J’avais beau m’éloigner de l’Europe, son destin m’accompagnait. »
Il divorce en 1939 de Friderike et épouse Charlotte Elizabeth Altmann, dite Lotte.
Les personnalités qui l’ont marqué
Ses nombreux voyages lui ont permis de rencontrer beaucoup de personnalités de l’époque.
Il entretient une importante correspondance. Il a beaucoup fait pour aider les éditions des uns et des autres. Il prend le temps de lire les écrits et publications de ses amis écrivains. Il aide les gens qu’il aime, il parle d’eux, il contribue à les faire publier.
Il cède à Richard Strauss, dont il est le librettiste, l’ensemble de ses droits, contre une somme qu’il verse aux écrivains dans le besoin.
En Belgique, il fait une rencontre importante, celle du poète Emile Verhaeren qu’il trouve fascinant. Il traduit ses poèmes. En 1911 il écrit sa biographie : Emile Verhaeren, sa vie, son œuvre. Emile Verhaeren, comme Stefan Zweig, est un pacifiste.
En France en 1910 il rencontre Romain Rolland. Une profonde amitié va lier les deux hommes, tous les deux humanistes. Cela malgré le différend qui les éloignera pendant la montée du nazisme, dû à la position neutre que Stefan Zweig adopte. Il admire Romain Rolland. Ils font partie du mouvement pacifiste pendant la guerre.
Il partage avec lui l’amour de l’acquisition des autographes ou objets, comme les partitions de Hayden, Beethoven, les manuscrits de Friedrich Hölderlin et Friedrich Nietzsche.
En 1921, Stefan Zweig lui rend hommage dans la biographie Romain Rolland : Sa vie, son œuvre.
André Suarès, qui est un proche de Romain Rolland. rencontre Stefan Zweig en 1913. En 1920 Stefan Zweig traduit le drame Cressida d’André Suarès. Ils échangeront de 1913 à 1935.
Joseph Roth, encore étudiant, a le désir de rencontrer Stefan Zweig, déjà célèbre. Mais c’est plus tard que Stefan Zweig commence à s’intéresser à Joseph Roth. Ils deviennent amis.
A Antibes en 1931, ils travaillent ensemble le soir, chacun fait la lecture à l’autre de leur travail de la journée. Comme avec Romain Rolland, une mésentente naît avec la montée du nazisme. Joseph Roth reproche à Stefan Zweig sa neutralité.
Il publie un hommage à Marcel Proust en septembre 1925 sous le titre de La tragique destinée de Marcel Proust, dans le Neue Freie Presse.
Stefan Zweig s’intéresse à la psychanalyse et à l’inconscient. Il aura souffert toute sa vie d’une profonde anxiété et de mélancolie. Il utilise le terme de « bile noire » qu’il à l’impression de sécréter.
Lorsqu’il publie un recueil de poèmes il l’envoie à Sigmund Freud. Puis il lui envoie ses livres et pendant longtemps, il ne se rencontrent pas. Leur relation épistolaire et soutenue commence en 1908. Il écrit la biographie, Freud, La Guérison par l’Esprit.
L’Europe
Pouvoir voyager sans entrave, sans papier et de pouvoir communiquer partout comme on le souhaite. C’est le rêve de Stefan Zweig. Dans son esprit, comme pour R.Maria Rilke il serait possible de créer une Europe de la culture et de l’humanisme. Non pas comme actuellement, une Europe économique ou politique.
L’Europe avant la guerre de 1914-1918 est cosmopolite. N’oublions pas que Stefan Zweig parle et écrit cinq langues.
Voyages
Dès qu’il a terminé ses études, Stefan Zweig éprouve le désir d’aller voir ailleurs, le désir de voyager.
Il se voit citoyen du monde et rejette les limitations, l’identité stable, l’enfermement.
En ce début du XXème siècle, la vie quotidienne change avec les nouveautés : le télégraphe, le téléphone, les automobiles, les premiers avions.
Concernant les voyages et les nouveaux moyens de déplacements, il écrit :
« Et les montagnes, les lacs, la mer n’étaient plus si éloignés que par le passé. La bicyclette, l’automobile, les chemins de fer électriques avaient raccourci les distances et donné au monde un nouveau sentiment d’espace. »
Les inventions se succèdent. Il assiste au vol du premier Zeppelin, qui tourne autour de la cathédrale à Strasbourg. Puis qui s’écrase un peu après à Echterdingen.
Au sujet du vol de Blériot, il écrit :
«Nous poussâmes des cris d’allégresse, à Vienne, quand Blériot franchit la Manche, comme s’il était un héros de notre patrie. »
Entre 1905 et 1911, sa vie est consacrée presque essentiellement aux voyages.
En Allemagne
Il part pour Berlin, où il rencontre Rudolf Steiner « un homme doué d’une telle puissance magnétique,…, a été pour moi d’un profit inestimable. » écrit-il.
Alors qu’à Vienne ses relations sont pratiquement toutes issues de familles bourgeoises, à Berlin, les jeunes gens sont tous issus de milieux différents : aristocrate prussien, fils d’armateur hambourgeois, fils d’une famille paysanne de Westphalie.
Il rencontre « la vraie misère en vêtements déchirés et en souliers éculés, une sphère, donc, avec laquelle je n’étais jamais entré en contact à Vienne. ».
Il écoute le poète bohème Peter Hille lire ses poésie.
C’est dans des journaux allemands et non autrichiens que ses premiers poèmes paraissent.
Il commence à publier dans une maison d’édition allemande, Insel-Verlag. Mais en 1933, en Allemagne, il n’est plus permis aux juifs de publier. Donc il sera publié de 1934 à 1938 par la maison autrichienne Herbert Reichner, jusqu’à l’occupation de l’Autriche par l’Allemagne.
Puis en 1938, dans la maison d’édition Gottfried Bermann-Fischer alors exilée à Stockholm.
C’est aussi en Allemagne qu’il devient un auteur à succès. Il se produit dans les universités pour des lectures et des conférences.
En Angleterre
Il séjourne à Londres avant la Première Guerre mondiale.
Stefan Zweig a eu des difficultés avec la langue anglaise. De plus, il se sent incompétent dans les conversations «small talks».
Plus tard, en octobre 1933, lorsque les nazis arrivent au pouvoir, il s’installe à Londres.
Il écrit un essais sur Charles Dickens qui fait partie de Trois Maîtres (dont Honoré de Balzac et Fedor Dostoïevski.
Il rencontre l’écrivain Arthur Symons. Assiste à une lecture par l’écrivain irlandais William Butler Yeats.
Il aspire au calme de la province et achète une maison à Bath.
En mars 1940 il obtient sa naturalisation britannique.
En France
Comme en Allemagne et en Angleterre, Stefan Zweig se rend en France avant la Première Guerre mondiale.
Il est allée à Paris, mais pas seulement, il a voyagé dans beaucoup de régions.
C’est en lisant L’Aube, dans Cahiers de la Quinzaine, qu’il découvre Romain Rolland. Afin de créer un lien entre eux, Stefan Zweig lui envoie un de ses livres. Et Romain Rolland l’invite chez lui.
« … et ainsi débuta une amitié qui, avec celles de Verhaeren et de Freud, a été la plus fructueuse et même, en bien des heures, décisive pour la direction à donner à ma vie. »
Il noue aussi des amitiés avec Roger Martin du Gard, Paul Valéry, Julien Green, Georges Bernanos, d’autres personnalités du monde intellectuel.
« Que j’ai erré par les rues, dans ce temps-là ! Combien, dans mon impatience, j’ai vu, j’ai cherché de choses ! Car je ne voulais certes pas borner mon expérience au seul Paris de 1904. Avec mes sens en éveil, avec mon cœur, j’étais aussi en quête du Paris de Henri IV, de Louis XIV, de Napoléon et de la Révolution, du Paris de Rétif de la Bretonne et de Balzac, de Zola et de Louis-Philippe, avec toutes ses rues, ses visages et ses évènements. »
Grâce à Emile Verhaeren, il rencontre Auguste Rodin, qu’il admire :
« … Mais chez Rodin, mon discours se figea. Je ne fus même pas capable de lui adresser la parole et demeurai, pari ses statues, pareil à l’une d’entre elle. »
Stefan Zweig est l’un des premiers à traduire les vers de Charles Baudelaire en allemand.
Le premier à écrire une courte biographie de Paul Verlaine. Il fait éditer en langue allemande Paul Verlaine et Arthur Rimbaud.
L’Italie, l’Inde…
En Italie, il se rend à Véronne, Milan, Venise.
En 1917, l’occasion lui est donnée d’aller en Suisse, pour la représentation de sa pièce Jérémie.
En dehors de l’Europe, il voyage en Inde. Et pendant les dix premières années du XXème siècle en Afrique.
Aux Etats-Unis, il visite New-York, Philadelphie, Boston, Baltimore, Chicago. Il rencontre Charles Loeffler qui avait mis certains de ses poèmes en musique.
Durant les quinze jours qu’il passe dans la Russie d’après la révolution, il visite Moscou, Leningrad (redevenue en 1991, Saint-Pétersbourg).
Il écrit :
« Personne – du fait de la propagande et de la campagne de dénigrement tout aussi enragée – ne disposait d’informations fiables sur ce qui se passait là-bas. Mais on savait qu’il s’y tentait quelque chose de tout nouveau, quelque chose qui pouvait être déterminant, soit en bien, soit en mal, pour la figure que revêtirait à l’avenir notre monde. ».
Biographies
L’écriture de biographie demande un gros travail de recherches documentaires. Stefan Zweig est assisté dans cette tâche par un secrétariat qui s’occupe de réunir toutes les informations nécessaires. Ensuite, Stefan Zweig utilise les livres et notes préparées pour écrire.
Il peut parfois entrer dans un univers plus romanesque qu’historique. Ce qu’il assume.
Il est séduit par beaucoup de personnalités, historiques ou contemporaines.
En octobre 1933, alors qu’il séjourne à Londres, il trouve au British Muséum la relation manuscrite de l’exécution de Mary Stuart et de là, il commence l’écriture de la biographie. En 1934, il continue à travailler Erasme « mon œuvre la plus personnelle »..
C’est à la Bibliothèque Nationale de France qu’il travaille pour ses biographies de Joseph Fouché (1929), Marie-Antoinette (1932), sa tragi-comédie sur Napoléon (1929) L’Agneau du pauvre.
Au sujet de ses biographies, il écrit :
« Dans mes nouvelles, c’est toujours celui qui succombe au destin qui m’attire, dans mes biographies, le personnage qui l’emporte non pas dans l’espace réel du succès, mais uniquement au sens moral, Erasme et non Luther, Marie Stuart et non Elizabeth, Castellion et non Calvin.
Quant à ses contemporains, il rédige les biographies d’Emile Verhaeren, Romain Rolland, Sigmund Freud.
La liste n’est ici pas exhaustive.
Le dernier voyage
Sa dernière destination est le Brésil où il s’installe en 1940. A Petrópolis il réside rue Gonçalvès-Dias, dans le quartier de Valparaiso, au milieu des montagnes, avec sa femme malade (des poumons), Lotte.
Avec l’horreur de la guerre, les atrocités, Stefan Zweig, toujours anxieux, a perdu tout espoir. L’entrée en guerre de l’URSS et des Etats-Unis ne le rassure pas.
Il termine son autobiographie Le Monde d’hier, Souvenir d’un Européen, une vision pessimiste sur l’avenir de l’Europe.
Le 22 février 1942, lui et sa femme envoient un certain nombre de courriers, les livres qu’il veut donner sont enveloppés. Il laisse une lettre avant que tous deux ne se suicident.
Conclusion
Stefan Zweig intelligent et cultivé a cherché à être utile à ses lecteurs. Ses convictions pacifistes et humanistes l’ont accompagné, malheureusement son rêve d’une Europe de la culture et de l’humanisme ne s’est pas réalisé. La montée du nationalisme est toujours d’actualité.
Sources :
Souvenir d’un européen France Culture Serge Niemetz.
ARTE : S.Zweig, histoire d’un européen.
Stefan Zweig : « Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen ».
Revue des deux mondes.
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