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Indiana – Analyse

« J’ai écrit Indiana durant l’automne de 1831. C’est mon premier roman ; je l’ai fait sans aucun plan, sans aucune théorie d’art ou de philosophie dans l’esprit. J’étais dans l’âge où l’on écrit avec ses instincts et où la réflexion ne nous sert qu’à nous confirmer dans nos tendances naturelles. »
Extrait de la Notice (George Sand, Nohant, mai 1852).

Introduction

George Sand a commencé à écrire dès l’adolescence. Puis elle a collaboré avec Jules Sandeau. Ce premier roman qu’elle écrit seule est le premier publié sous le nom qu’elle gardera : George Sand. Mais comment Aurore Dudevant a-t-elle opté pour ce pseudonyme ?
Les publications qu’elle a faites avec Jules Sandeau étaient éditées sous le nom de : Jules Sand. Aurore Dudevant garde le nom de Sand et choisit un autre prénom que Jules :

« Je pris vite et sans chercher celui de George qui me paraissait synonyme de Berrichon. Jules et George, inconnus au public, passeraient pour frères ou cousins. »
Histoire de ma vie.

Le succès d’Indiana est immédiat. L’indépendance économique que ce succès lui assure est indispensable pour gagner sa liberté.

Les lecteurs crurent que l’auteur était un homme.

« Les journaux parlèrent tous de M.G.Sand avec éloge, insinuant que la main d’une femme avait dû se glisser ça et là pour révéler à l’auteur certaines délicatesses du cœur et de l’esprit, mais déclarant que le style et les appréciations avaient trop de vérité pour ne pas être d’un homme. »

C’est donc au début avec le titre de monsieur que les journaux parlent de George Sand.

Mais lorsque l’on découvre que George Sand n’est pas un homme, les éloges faites à « Monsieur » se transforment en critiques : Les journalistes s’indignent, l’immoralité était acceptable venant d’un homme, mais inacceptable venant d’une femme.

Présentation du roman

Le Début

Indiana est une jeune femme créole élevée à l’île Bourbon (La Réunion) et mariée au colonel Delmare, beaucoup plus âgé qu’elle. Cet homme est autoritaire et violent. Et dès les premières pages du roman Indiana semble résignée.

Un soir d’automne Indiana, son cousin Ralph et Delmare sont réunis devant la cheminée. Deux des personnages s’ennuient profondément et un troisième semble très agacé. C’est alors qu’un intrus s’introduit dans le parc du manoir. Delmare, qui croit que c’est un voleur, tire sur l’inconnu et le blesse. Mais ce n’est que le voisin des Delmare, nouvellement installé, et qui vient leur rendre visite. Indiana fait donc la connaissance de ce jeune noble Raymon de Ramière, un séducteur sans envergure. Elle tombe sous son charme.

Nous passons dans ce roman d’un intérieur bourgeois étriqué, aux somptuosités de l’île Bourbon, à la misère de la rue. Les lieux (paysages, intérieurs) décrits donnent une atmosphère et créent un lien avec la psychologie du personnage d’Indiana. Le romanesque est bien présent.

Les personnages

Pourquoi ne pas commencer par Raymon de Ramière, ce personnage opportuniste. Sa principale activité semble de vouloir accumuler les conquêtes féminines. Et surtout, il ne souhaite pas penser aux conséquences de son attitude et de ses actions. Preuve en est faite de son comportement avec Noun, enceinte de lui.

Raymon est toujours sous la coupe de sa mère, Madame de Ramière. Bien qu’elle protège son fils, elle n’est pas dupe de sa conduite.

Mais qui mieux que l’auteur pour évoquer son personnage :

« Raymon, direz-vous, c’est la société ; l’égoïsme, c’est la morale, c’est la raison. – Raymon, répondra l’auteur, c’est la fausse raison, la fausse morale par que la société est gouvernée ; c’est l’homme d’honneur comme l’entend le monde, parce que le monde n’examine pas d’assez près pour tout voir »

Préface de l’édition de 1832.

Venons en à ce personnage brutal qu’est le colonel Delamare. Dans lequel nous pourrions retrouver l’ombre de Casimir Dudevant, l’époux de George Sand. Cette violence apparaît dès le début du roman avec sa chienne et plus tard avec Indiana :

« – Eh quoi ! dit madame Delmare avec effroi, vous tueriez un pauvre paysan pour quelques sacs de charbon ?

– Je tuerai comme un chien, répondit Delmare irrite de cette objection, tout homme que je trouverai la nuit à rôder dans mon enclos. Si vous connaissiez la loi, madame, vous sauriez qu’elle m’y autorise.

– C’est une affreuse loi, reprit Indiana avec feu. »
Indiana

« Il la saisit par les cheveux, la renversa, et la frappa au front du talon de sa botte. »
Indiana

La faillite de la fabrique qu’il avait fait prospérer, aidé financièrement par Sir Ralph Brown, le décide à retourner à l’île Bourbon. Il oblige Indiana à le suivre, ce qu’elle ne peut pas refuser de part son statut de femme mariée.

Le cousin d’Indiana, Sir Ralph Brown, est l’inverse des deux personnages précédents. Son aspect est froid et distant, mais il reste dévoué à Indiana.
Son
passé est difficile. Maltraité par ses parents, qui lui préféraient son frère plus brillant, il s’est replié sur lui-même. Il est contraint d’épouser la fiancé destinée à son frère, après la mort de celui-ci. Il vivra en Angleterre, avec une femme qui le méprise. et en repartira à la mort de celle-ci. Il rejoindra Indiana afin de continuer à veiller sur elle.

Noun est la sœur de lait d’Indiana. Elles ont la même origine. Mais des situations sociales différentes, puisque Noun est la femme de chambre d’Indiana. Elles vivent des moments de complicité et sont très liées. Mai une rivalité naît à la venue de Raymon de Ramière, qui va causer la perte de Noun qui se suicide. Les scènes de noyade sont récurrentes. Plus loin dans le roman, Indiana qui pense à la noyade, tombe dans la Seine. Enfin le projet de suicide à l’île Bourbon.

Confinée dans l’univers étroit de la vie quotidienne, Indiana reflète la situation des femmes dans la société de l’époque. Elle n’a aucune liberté dans le mariage, ne peut ni penser, ni agir. Après avoir dû éprouver la violence de son père, c’est celle de son mari qu’elle doit affronter.

Lorsqu’elle réussi à se libérer de l’esclavage de son mari, c’est celui de son amant qu’elle doit supporter.

Indiana se retrouve dans la misère lorsqu’elle n’a plus ni mari, ni amant, ni nom. Une femme sans cela n’est plus rien pour la société.

Mais c’est avant tout la passion qu’Indiana recherche.

Le contexte politique

Les trois personnages : Delamare, Ralph, Raymon représentent chacun des opinions politiques différentes. Nous sommes en pleine période de la Restauration.

Sir Ralph Brown représente la République du Contrat Social avec l’espoir d’un retour à l’ordre républicain.

« Ralph allait donc toujours soutenant son rêve de république d’où il voulait exclure tous les abus, tous les préjugés, toutes les injustices ; projet fondé tout entier sur l’espoir d’une nouvelle race d’hommes. »

Raymon de Ramière s’attache à la charte de Louis XVIII, qui rétablit la dynastie des Bourbons. Bien qu’elle laisse des acquis de la Révolution de 1789 et de l’Empire.

« Raymon soutenait sa doctrine monarchique héréditaire, aimant mieux, disait-il, supporter les abus, les préjugés et les injustices, que de voir relever les échafauds et couler le sang innocent. »

Delmare est un fidèle de l’empereur Napoléon Ier.

« Il accusait les Bourbons de tyrannie et regrettait les beaux jours de l’empire où les bras manquaient à la terre et le pain aux familles… Cet homme était toujours au lendemain de Waterloo»

Mais qu’elles sont les opinions d’Indiana ? Et bien, elle se contente d’écouter, et ne participe pas aux discussions. C’est George Sand au travers du roman qui porte le jugement.

C’est tout de même depuis Bordeaux qu’Indiana s’aperçoit de la situation politique : La lutte en 1830 sera sanglante.

Contexte économique

Nous sommes en pleine période de l’entrée dans l’ère industrielle, représentée par la fabrique de Delmare. Une période prospère pour ceux qui savent en tirer parti. Mais pour Delmare, après la prospérité c’est sa ruine et sa fuite à la Réunion.
Y sont évoquées aussi, la bourse et les fortunes qu’elle génère, comme pour Madame de Carjaval et son salon luxueux.
« Alors madame de Carjaval, adroite et active, se retira à Paris, où, par je ne sais quelles spéculations de bourse, elle s’était créé une aisance nouvelle sur les débris de sa splendeur passée. »

D’autres n’ont pas la chance de Madame de Carjaval. Au travers de Laure de Nanguy, c’est la misère de la noblesse ruinée qui est représentée.

Une autre misère, celle du prolétariat. Misère dans laquelle Indiana se trouve à la sortie de l’hôpital alors qu’elle n’a pas d’argent. Après avoir passé une froide nuit d’octobre dans les décombres d’une maison abattue :
« Enfin le jour vient ; la faim se fit sentir poignante et implacable. Elle se décida à demander l’aumône. »

A l’île Bourbon, les sujets de la politique et de l’économie ne sont plus abordés.

Conclusion

« Mais quoi ! celle (la cause) que je défendais est-elle donc si petite ? C’est celle de la moitié du genre humain, c’est celle du genre humain tout entier ; car le malheur de la femme entraîne celui de l’homme, comme celui de l’esclave entraîne celui du maître, et j’ai cherché à le montrer dans Indiana. »
Préface de 1842

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